jeudi 28 février 2008

La porte du vent

Le froid avait commencé à recouvrir le pays, il s’insinuait doucement dans mon Palais de Cristal. Je n’avais rien vu venir, tout c’était fait lentement et silencieusement. J’avais froid et je pensais que je ne sentirais plus jamais les rayons de soleil réchauffer ma peau avec ce parfum envoûtant, cette douceur qui circule dans les veines et qui apporte du soleil tout à l’intérieur. Je ne pouvais pas rester ainsi à attendre que les glaces me transforment en étoile de givre. Il fallait faire quelque chose et vite. Alors malgré le froid, j’ai ouvert les fenêtres, j’ai invité le vent et sur son dos, j’ai déposé une larme d’espérance, concentré d’un message secret confié aux bons soins des courants d’air. Et j’ai attendu. Un signe, un mouvement, quelque chose qui pourrait confirmer que l’on a bien intercepté cet appel. J’ai attendu encore. Et la vie à continué. Tant bien que mal, j’ai survécu mais j’avais toujours froid.

Un matin, alors que je ne pensais presque plus à l’hiver, j’ai aperçu une abeille butiner des fleurs de tomate. C’était une bonne ouvrière, elle allait de fleur en fleur avec une énergie telle que je ne pouvais me lasser de la regarder. Elle était si belle, si active, j’avais l’impression qu’un halo de lumière la faisait rayonner. Je me suis approchée d’elle doucement, je lui ai posé quelques questions sans savoir si elle me verrait, moi qui me fond tellement dans le paysage, sans savoir si elle m’entendrait puisque plus personne n’entend ma voix depuis si longtemps. Elle m’a regardée et j’ai été surprise qu’elle m’ait répondu. Et elle est vite retournée à ses occupations. Le lendemain, je suis allée au milieu des plants de tomates pour voir si je pouvais encore l’apercevoir et lui parler. Savoir si ce n’était pas un rêve. Elle était effectivement, tout à son travail, ne lachant une fleur juste que pour me faire un clin d’oeil, me montrer par là qu’elle m’avait reconnue et qu’elle savait que je ne lui ferais jamais aucun mal.

Quelques jours plus tard, j’ai compris que ce champ de tomates était menacée par une armée de guêpes et qu’il faudrait partir avant que nous ne soyons tous exterminés. La petite abeille m’a montré un passage bien camouflé dans la charmille. J’avais un peu peur de l’inconnu. Elle l’a senti et m’a tendu la main. Je l’ai acceptée. Cette main n’était pas ordinaire, dès le premier contact j’ai senti une sensation de bien-être m’envahir, comme des petites étoiles invisibles qui passent d’un corps à l’autre. J’avais l’impression de la connaître. Je me sentais en confiance et c’était si bon que depuis je n’ai jamais eu envie de lacher cette main. Parce que cette abeille était heureuse de ma présence, nous nous sentions plus grands et plus forts ensemble, nous nous sentions capables de soulever des montagnes.  

Un an. Un an de complicité, de fou-rires, de jeux de mots de clins d’œil, de bons moments de douceur, mais aussi quelques moments de douleur, parce qu’ainsi va la vie. Rêver un peu parce que ça fait du bien, renforcer le lien naturel qui nous a rapproché tout en gardant notre secret, partager un silence, une émotion, être une présence quand l’autre a besoin, échanger nos doutes, nos impressions, nos créations, se confier nos espoirs et notre sensibilité et découvrir le don de l’amitié.

Dans ce monde virtuel, la porte reste toujours ouverte. Un jour, les bourrasques ont tout emporté. Les souvenirs, les images et les mots. Il ne reste juste que quelques cendres qui seront bientôt balayées par le vent.

1 commentaire:

Dom a dit…

Tes blogs sont formidables Emilie!
Continue stp!
Dom.